Indonésie : Triton Bay - mars 2016
“Surtout, ne reste pas sous les cocotiers”, me dit-on quand j’arrive à Triton Bay. Eh oui, le plus gros danger, ici, c’est de se prendre une noix de coco sur la tête !
Un long voyage (encore)

Ici, c’est l’île d’Aiduma et le resort Triton Bay Divers, où je débarque le 8 mars 2016, à la mi-journée, après une quarantaine d’heures de voyage depuis Rennes, en Bretagne… Oui, certains pensent que je suis un peu folle d’accomplir pareil périple, juste pour photographier des poissons et éventuellement me prendre des noix de coco sur la tête… 😂
La baie de Triton (Teluk Triton) se trouve dans l’extrême est de l’archipel indonésien, dans la province de Papouasie occidentale. Depuis l’Europe, c’est le bout du monde. C’est là (zoomez / dézoomez la Google Map pour mieux voir) :
L’enquillage d’avions s’est déroulé sans anicroche ni retards notables : Paris – Istanbul – Jakarta pour le premier tronçon international jusqu’en Indonésie (sur Turkish Airlines).
Puis Jakarta – Ambon – Fak-Fak – Kaimana, sur Lion Air et ses filiales (Batik Air et Wings Air) pour les vols domestiques. Depuis Jakarta, il n’y a pas plus simple ni plus direct pour l’instant…
Mise à jour : avril 2017. La compagnie nationale Garuda Airlines dessert maintenant l’aéroport de Kaimana, avec des vols depuis Ambon, six jours par semaine.




Après avoir atterri à Kaimana, la “capitale” de la région, il ne me reste donc “plus” qu’une heure et demie de traversée en bateau pour rejoindre l’île d’Aiduma et ses cocotiers, dans la baie de Triton… Ouf !
Bienvenue à Triton Bay
Évidemment, je suis bien contente d’arriver enfin. Et de découvrir mon nouveau “chez moi” pour une douzaine de jours… Je foule le sable, tout doux sous les pieds, éblouie par la beauté de cette petite anse blottie sous les cocotiers.

Mais déjà on me met en garde, avec une insistance bienveillante : il ne faut surtout pas traîner à l’ombre des palmes ! C’est dangereux. “On enlève régulièrement les noix de coco des arbres près de la plage, m’explique Jimmy, du resort Triton Bay Divers. Mais il en reste toujours. Évite donc de rester juste en-dessous…”
Ce n’est pas une blague. Tout au long de mon séjour, le choc sonore d’une noix de coco atterrissant sans crier gare sur le sol me fera sursauter bien souvent. C’est gros et lourd, une noix de coco. Et quand ça tombe, ça peut faire très mal…
Mais après un si long voyage, cette île papoue me fait l’effet d’un paradis bien mérité. Une adorable plage de sable blanc et fin. Quelques bungalows de bois tournés vers le large. Une colline couverte de jungle dense à l’arrière. La mer et le corail devant… C’est magnifique !



Biodiversité exceptionnelle
J’ai voulu une immersion en pleine nature, loin de tout, je l’ai ! Il n’y a plus de réseau mobile ici. Quant à internet, euh… Autant ne plus y penser.
Lobo, le village le plus proche, est sur la côte de la Papouasie, à trois quarts d’heure de bateau de l’île d’Aiduma. La côte est sauvage, formée de falaises karstiques spectaculaires. Çà et là, quelques “campements” de pêcheurs. Me voici “obligée” de déconnecter.

À l’aube et au crépuscule, j’apprends à apprivoiser les mille bruits étranges – cris, sifflements et grésillements – venus de la végétation alentour. C’est le paradis des insectes et des oiseaux (toucans et cacatoès blancs pour les plus visibles). Un matin, très tôt, j’apercevrai même la queue d’un couscous au sommet d’un cocotier potentiellement tueur.
Mais c’est pour la nature sous l’eau que je suis venue jusqu’ici. Comme Raja Ampat, plus au nord, Triton Bay est considérée comme un “hot spot”, un point chaud de la biodiversité dans le monde.
Loin des itinéraires touristiques, encore très peu connue, cette baie a été explorée par des biologistes marins de l’organisation Conservation International en 2006. Ils ont observé ici l’étonnant requin marcheur, endémique de la région, et recensé quantité d’espèces rares ou nouvelles de poissons, crustacés et coraux. Une véritable “fabrique à espèces”, disent-ils, au sujet de ces eaux qui engendrent tant de formes de vie inédites.
En 2014, les scientifiques de l’expédition Lengguru sont retourner explorer la région. Arte diffuse un documentaire sur leur aventure en ces mois de juin et juillet 2016 :
→ Papouasie, au cœur d’un monde perdu
Dès 2008, la région de Kaimana a établi une zone maritime protégée de 6 000 kilomètres carrés dans les eaux de Triton Bay. Pour y plonger, il faut s’acquitter d’un droit d’entrée de 500 000 Rp (environ 40€). Comme à Raja Ampat, on vous donne en échange un badge à accrocher à la stab (le gilet stabilisateur).




Une nuée de poissons de verre.
Coraux mous multicolores.
Plonger à Triton Bay
Triton Bay a été à la hauteur de mes attentes : côté plongée, des fonds sous-marins exceptionnels, incroyablement riches et préservés ; côté ambiance, des vacances très paisibles, très reposantes, loin de la foule touristique et de la fureur du monde…
Mais honnêtement, je ne pense pas que ce soit une destination qui convienne à tous les plongeurs. À Triton Bay, les eaux sont chargées en nutriments, d’où une spectaculaire profusion de biodiversité sous-marine. Le revers, c’est une visibilité extrêmement variable, dans une eau souvent plus verte que bleue : de médiocre (5m) à correcte (15m) pour les sites à l’intérieur, de bonne (20m) à excellente (25m et plus) pour les sites plus éloignés à l’extérieur vers la pleine mer. Et puis ça change tout le temps en fonction de la météo, très variable elle aussi, y compris sur une même journée…

Résultat, on doit chaque jour adapter le choix des sites et le type de plongées, en fonction des conditions de la mer, du ciel, de la marée… Et mon dilemme quotidien de photographe, à l’heure du petit-déjeuner, est de décider quel objectif fixer sur mon appareil : fisheye ou macro ?

(Oui, c’est dur d’avoir de si graves décisions à prendre en vacances.)
Il faut aussi avoir bien conscience qu’à part la plongée, la baignade et une excursion aux villages voisins, il n’y a pas grand-chose à faire, dans le coin. Mieux vaut donc être d’humeur contemplative, de préférence mordu(e) de photo sous-marine et capable d’un émerveillement de gosse devant les trésors de la nature, pour apprécier Triton Bay comme elle le mérite.
Moi, je me suis régalée : forêts duveteuses de corail noir, explosion de couleurs vives des coraux mous, immenses tables de corail dur, carangues en chasse, tourbillons géants de fusiliers et de chirurgiens, gaterins, requins-tapis (wobbegongs), nuées de poissons de verre, hippocampes-pygmées à gogo, mini-seiches facétieuses et mini-pieuvres photogéniques (wonderpus), crevettes arlequins, nudibranches… Sans oublier les dauphins souvent aperçus du bateau et même (une fois) des baleines…
À noter aussi qu’il ne faut pas envisager d’aller plonger à Triton Bay durant ce qui correspond à notre été. À ce moment-là, c’est la saison de la mousson d’est (qui court grosso modo de mi-juin à mi-septembre). La région est alors très exposée aux vents et les conditions en mer ne permettent pas de plonger. Le Triton Bay Divers Resort ferme d’ailleurs pendant les mois d’été.



Mon seul regret : qu’il n’y ait pas eu de bagans à proximité, durant mon séjour. Ces plateformes de pêche mobiles, qui remontent des filets débordant d’anchois ou d’autres petits poissons destinés à servir d’appât, attirent les requins-baleines, qui viennent se nourrir autour des prises (comme à Cenderawasih Bay, autre destination connue des plongeurs en Papouasie occidentale).
On peut alors s’immerger aux côtés de ces gentils géants des mers (comme je l’avais fait au Mexique) et les admirer de très près. Je n’aurai pas eu l’occasion de le faire ce coup-ci… Dommage.
Loin de tout
Le petit resort Triton Bay Divers où j’ai passé une douzaine de jours est tout récent, il a ouvert en février 2015. C’est la première et (pour l’instant) la seule structure de plongée dans la région de Kaimana, où le tourisme est encore quasi inexistant.



Depuis que j’ai découvert Raja Ampat, en 2012, je m’intéresse particulièrement à la plongée en Papouasie occidentale, située en plein cœur du mythique Triangle de Corail. La lointaine Triton Bay me faisait rêver et m’a longtemps semblée inaccessible. Jusqu’en 2014, il n’y avait que l’option des croisières-plongées (peu nombreuses et de catégorie très haut de gamme pour la plupart). Alors quand j’ai appris ce projet de resort, je me suis jetée sur leur page Facebook, lancée avant même l’ouverture. Au fil des mois, j’ai alors suivi leurs travaux de construction et d’aménagement du terrain, l’achat des bateaux, l’arrivée des premiers clients… en gardant dans un coin de ma tête le projet d’y faire un tour, un jour prochain !
Derrière ce projet un peu fou d’ouvrir un resort de plongée dans un endroit aussi isolé, il y a Lisa, une Anglaise qui a grandi à Hong Kong, et Jimmy, un Canadien d’origine chinoise qui a vécu à Taïwan. Tous deux professionnels de la plongée, ils rêvaient d’ouvrir un jour leur propre centre et se sont associés.
Ajout. Je vous mets ci-dessous une vidéo tournée en 2017 par le vidéaste et photographe sous-marin Karsten Heinrich, où Lisa explique ce qui fait la spécificité de Triton Bay par rapport à Raja Ampat, notamment :
La devise du resort Triton Bay Divers, c’est “remote but worth it”. En gros : c’est super loin de tout, mais ça vaut le coup ! Je confirme. J’en reviens enchantée.
D’autant que j’ai (encore) profité de conditions dignes d’une princesse, sous ces redoutables cocotiers du bout du monde… Eh oui, durant mon séjour, j’étais la seule cliente plongeuse. Qui a donc béatement profité du bateau et des DEUX guides de plongée (des Indonésiens du Nord-Sulawesi, aux yeux de lynx, qui ont entre autres bossé à Lembeh) pour elle tout seule, hein, qui ??? 😊


J’ai vraiment de la chance, comme souvent quand je voyage en solo. J’ai non seulement réchappé aux cocotiers tueurs (ouf !), mais j’ai pu me livrer à une orgie de photos sous-marines sans avoir à me soucier d’une encombrante palanquée… Le bonheur.
👌 😎