Temple Garden, un temple sous-marin créé par les Jardiniers du récif de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Temple Garden, un temple sous-marin créé par les Jardiniers du récif de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)

Pemuteran : bébés tortues, temple sous-marin et corail électrique

  Indonésie : Bali - juillet 2008

Je suis depuis mardi à Pemuteran, petit village de l’ouest de Bali. J’adore !


Il n’y a pas grand-chose ici, hormis le village des pêcheurs, une poignée d’hôtels de luxe, quelques guesthouses familiales à petit prix, et des centres de plongée.

Le tout est coincé entre une route, bruyante, et une anse de sable noir, superbe.

Un village de pêcheurs paisible et authentique

On a une belle vue panoramique de la baie en grimpant jusqu’au petit temple situé au sommet d’une colline, juste à l’ouest de la zone des hôtels. Une chouette balade très facile, à faire à pied, avant le crépuscule, quand la lumière du soleil devient douce, et donne un éclat doré aux montagnes qui dominent la baie.

Lumière du soir sur la baie de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Lumière du soir sur la baie de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)

Après il suffit de redescendre les marches menant au temple, et de poursuivre par le chemin en dur, vers la mer, pour rentrer par la plage.

L’atmosphère tranquille et authentique de Pemuteran tranche avec la frénésie touristique de tant d’autres coins plus fréquentés de Bali. Et les gens d’ici sont super accueillants.

Le soir, à marée basse, les villageois ramassent des coquillages, les pieds dans l’eau, entre les amas de corail mort sur la grève. Les enfants me montrent fièrement leurs prises du jour, avec de grands sourires radieux.

À marée basse, les gens de Pemeturan ramassent des coquillages sur la grève. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
À marée basse, les gens de Pemeturan ramassent des coquillages sur la grève. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Les enfants de Pemuteran me montrent fièrement les coquillages qu'ils ont ramassés sur la plage. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Les enfants de Pemuteran me montrent fièrement les coquillages qu’ils ont ramassés sur la plage. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)

Tous mobilisés pour protéger le récif

À Pemuteran, toutes les activités tournent autour de la protection du récif corallien. Depuis les années 1990, plusieurs initiatives écologiques ont été lancées, avec succès, pour sensibiliser les villageois et les touristes à la fragilité de l’écosystème maritime.

Comme dans beaucoup d’autres endroits, le corail a ici souffert du réchauffement de l’eau causé par El Niño et des pratiques (qui n’ont plus cours dans le coin) de la pêche au cyanure et à la dynamite.

Le centre de plongée Reef Seen, dirigé par Chris Brown, un Australien installé ici depuis 17 ans, a démarré en 1992 le Turtle Hatchery Project (ou Proyek Penyu, en indonésien) : une pouponnière à tortues. Elle est située juste à côté des bungalows où logent les plongeurs.

Chris Brown est australien et installé à Pemuteran depuis 1991, où il dirige le centre de plongée Reef Seen. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Chris Brown est australien et installé à Pemuteran depuis 1991, où il dirige le centre de plongée Reef Seen. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Dans la pouponnière à tortues du centre de plongée Reef Seen, à Pemuteran, des dizaines de bébés attendent de découvrir la mer... (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Dans la pouponnière à tortues du centre de plongée Reef Seen, à Pemuteran, des dizaines de bébés attendent de découvrir la mer… (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Dans les bassins de Reef Seen, il y a aussi deux tortues adultes. Le centre a tenté plusieurs fois de les remettre dans leur milieu naturel, mais chaque fois, elles sont revenues ! (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Dans les bassins de Reef Seen, il y a aussi deux tortues adultes. Le centre a tenté plusieurs fois de les remettre dans leur milieu naturel, mais chaque fois, elles sont revenues ! (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Enfouis sous le sable chaud, les œufs de tortue attendent d'éclore. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Enfouis sous le sable chaud, les œufs de tortue attendent d’éclore. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)

Les œufs de tortues sont rachetés aux pêcheurs qui les trouvent, puis ils sont enfouis au chaud sous le sable, dans la fameuse “pouponnière”, pendant 45 à 60 jours, jusqu’à leur éclosion.

Les bébés tortues restent ensuite dans les bassins attenants, pendant 2 à 3 mois.

On ne les relâche pas tout de suite. L’idée est d’attendre que les bébés soient assez grands et forts, avant de leur rendre leur liberté. Les jeunes tortues ainsi remises à l’eau auront vraisemblablement de meilleures chances de survie.

Deux tortues adultes, baptisées Boomer et Billy, vivent aussi là, dans des bassins de Reef Seen. Le centre a bien tenté, plusieurs fois, de les remettre dans leur milieu naturel, mais elles n’ont jamais vraiment repris leur liberté. Chaque fois, elles sont revenues !

Insolite : un temple sous l’eau

Juste à côté de Reef Seen, il y a aussi les Jardiniers du récif, les Reef Gardeners of Pemuteran : une équipe de jeunes Balinais, qui ont été formés à la plongée et sensibilisés à la protection de l’environnement sous-marin.

Ils récoltent les crowns of thorn ou acanthaster, ces étoiles de mer épineuses bouffeuses de corail. Ils entretiennent le récif, qu’ils font découvrir aux visiteurs. Ils ont créé plusieurs sites sous-marins, proches de la plage, pour favoriser la repousse du corail, en immergeant des épaves de bateaux sur le fond.

Sous la surface, ils ont aussi construit… un temple ! Un site étonnant, avec des statues de tortues et de bouddhas de style khmer, sur lequel j’ai plongé hier. Atmosphère étrange, un peu fantomatique.

Temple Garden, un temple sous-marin créé par les Jardiniers du récif de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Temple Garden, un temple sous-marin créé par les Jardiniers du récif de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le corail crée d'étranges coiffures aux statues immergées. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le corail crée d’étranges coiffures aux statues immergées. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Sous l'eau, les visages sereins des statues semblent méditer. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Sous l’eau, les visages sereins des statues semblent méditer. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)

C’est vraiment une drôle de chose que d’évoluer ainsi, entre 30 et 15 mètres de fond, au milieu de ces statues recouvertes (entièrement, pour les plus anciennes) de coraux et de gorgones. Autant de supports solides pour le corail, qui semble s’y être bien fixé.

Des coraux électriques devant la plage

Enfin, les Reef Gardeners ont également participé au projet de récif artificiel Biorock, stimulé par électricité. Celui-ci se trouve à quelques mètres du rivage, en face de l’hôtel Pondok Sari. Depuis la plage, on voit les câbles s’enfoncer dans l’eau.

Il suffit de les suivre en palme-masque-tuba (snorkeling) pour observer les structures métalliques qui servent de support aux coraux. Certaines sont en forme de bateau, d’autres de fleur ou de pyramide. Les plus anciennes datent de 2000-2001 et sont joliment ornées de petits massifs coralliens.

Les câbles électriques sous-marins du projet Bio Rock à Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Les câbles électriques sous-marins du projet Biorock à Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
L'une des 48 structures métalliques sous-marines du projet Bio Rock à Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
L’une des 48 structures métalliques sous-marines Biorock à Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le courant électrique des structures Biorock permet au corail de se fixer. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le courant électrique qui circule dans les structures Biorock permet au corail de se fixer. (Pemuteran, Bali, Indonésie, juillet 2008.)

La méthode est simple : on attache des branches de corail, qui se sont cassées ou détachées du récif naturel, sur un support métallique immergé et parcouru par un courant électrique. Il en résulte un phénomène d’électrolyse, qui permet au calcaire du corail de se fixer plus vite. Quatre à cinq fois plus vite, d’après le jeune homme qui m’a renseignée au petit bureau Biorock attenant à l’hôtel Pondok Sari.

Certains contestent le procédé : le corail se fixerait plus vite, mais moins solidement… Et il est vrai que j’ai vu pas mal de tables de corail renversées ou gisant de guingois sur le sable, lors de ma petite balade en snorkeling (palmes-masque-tuba-. Mais les Jardiniers du récif sont là pour remettre tout ça en état.

Quoi qu’il en soit, le spectacle féérique de ces bosquets de coraux – spectacle accessible à tous, à quelques mètres du bord – vaut carrément le détour ! Une belle initiative, vraiment.

Au bureau de Biorock à Pemuteran, une maquette des structures électriques coralliennes, pour expliquer le projet aux touristes, à côté de l'inévitable cendrier-tortue... (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Au bureau de Biorock à Pemuteran, une maquette des structures électriques coralliennes, pour expliquer le projet aux touristes, à côté de l’inévitable cendrier-tortue… (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le petit bureau du projet Biorock, sur la plage de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)
Le petit bureau du projet Biorock, sur la plage de Pemuteran. (Bali, Indonésie, juillet 2008.)

Bref, je suis sous le charme de cette plage, où tout le monde, des visiteurs aux habitants, se soucie de préserver la beauté des fonds sous-marins !

Et pour ceux qui pratiquent la plongée, les sites de Pemuteran comme ceux de l’île de Menjangan, non loin, méritent bien un séjour de quelques jours.

Ajout du 16 février 2009. À lire en complément, sur le projet Biorock de Pemuteran, mon article paru dans le dimanche Ouest-France du 15 février 2009 :

Biorock, les coraux électriques de Bali. Article paru dans dimanche Ouest-France, le 2 février 2009.

Les coraux électriques de Bali

De l’électricité pour sauver le corail ? Baptisée Biorock, cette technique permet de revitaliser les fragiles écosystèmes des mers tropicales.

Sur la côte nord-ouest de Bali, dans l’archipel indonésien, Pemuteran est un village tranquille, blotti entre une anse de sable noir et des montagnes arides.

Sur la plage, on voit des câbles s’enfoncer en direction de la mer. Il suffit de les suivre, en masque et tuba, pour découvrir, à faible profondeur, un fabuleux trésor : des centaines de corolles et branches de corail, fixées à des armatures en forme de tunnel, de fleur, de pyramide ou de cône… C’est le projet Biorock, qui consiste à stimuler la croissance du corail avec de l’électricité.

Le procédé repose sur une technique simple et bon marché : l’électrolyse. On fait circuler dans les structures métalliques immergées un courant de faible voltage. Par réaction électrochimique, une fine couche de calcaire se dépose peu à peu. Or le calcaire est justement ce qui sert de “squelette” au corail. Pour créer un récif artificiel, on attache sur ces arches de métal des morceaux de corail, qui ont été cassés ou arrachés au récif naturel par les courants. Grâce à l’électricité qui accumule le calcaire, les branches vont peu à peu se fixer et continuer de “pousser”.

Trois à cinq fois plus vite

On compte une quarantaine d’arches Biorock à Pemuteran, disposées entre 3 et 7 mètres de fond, sur 300 mètres de long. Les plus anciennes datent de 2000. Elles ont été construites avec les villageois, sensibilisés à la protection du milieu sous-marin. L’initiative a été financée par les centres de plongée et les hôteliers locaux.

Il y a une dizaine d’années, le récif dépérissait, victime du réchauffement des eaux et de la pêche au cyanure ou à la dynamite. Aujourd’hui, grâce au projet Biorock et à d’autres initiatives environnementales, Pemuteran est devenu un modèle d’écotourisme.

Conçu au début des années 70 par l’Allemand Wolf Hilbertz, développé par le Jamaïcain Thomas Goreau à la fin des années 80, le procédé Biorock reproduit la calcification naturelle présente dans tous les océans. Mais 3 à 5 fois plus vite ! Le corail stimulé par électricité se développe à toute allure. Il serait aussi plus résistant aux agressions environnementales.

Lancés en 1988, les projets Biorock, ont, depuis, essaimé à travers toutes les mers du globe, dans une vingtaine de pays : Jamaïque, Golfe du Mexique, Seychelles, Maldives, Panama… L’installation indonésienne de Pemuteran, à Bali, est la plus importante.

Corinne BOURBEILLON.

→ Lien sur Ouest-France.fr : Les coraux électriques de Bali 

  Indonésie : Bali - juillet 2008

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