Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

L’agonie du mola-mola

  Indonésie : Sulawesi - juillet 2010

Ce n’est qu’un poisson, je sais bien. Pas de sensiblerie déplacée. N’empêche, c’est triste à voir, un mola-mola à l’agonie…

Le mola-mola, c’est ce gros poisson-lune que j’avais rencontré à Nusa Penida, près de Bali, en 2008. Cet été, près de l’île de Bangka, à Sulawesi, j’en ai revu un… dans des circonstances moins plaisantes.

Une prise inhabituelle

Ce sont des pêcheurs du coin qui sont venus nous trouver, entre deux plongées.

Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.
Pêcheurs au narguilé, Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

Nous étions tout un petit groupe sur le bateau du Mimpi Indah. Côté Indonésiens : notre guide Jemi et un pote à lui, Rocky, qui est aussi guide de plongée, mais qui nous accompagnait simplement ce jour-là ; notre capitaine et son matelot.

Côté touristes : quatre Italiens en vacances ; Clare, une jeune Écossaise en train de passer son dive-master ; et puis moi, la Française qui fait des photos sous l’eau.

Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.
Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

Sur le petit bateau à balancier qui s’approche du nôtre, des pêcheurs au narguilé. Je repère les détendeurs et le petit compresseur. Je n’ai pas trop réussi à savoir s’ils se contentent de relever des casiers, ni ce qu’ils pêchent habituellement, ni dans quelles conditions…

Toujours est-il que ce jour-là, ils ont fait une prise inhabituelle : un mola-mola !

Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.
Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

Un poisson-lune malade ou blessé

Clare n’en revient pas. Elle n’en a jamais vu. Les Italiens non plus. On ouvre tous des yeux ronds. Très excités, les guides et le capitaine montent sur le petit bateau des pêcheurs, pour voir la bête de plus près. Et prendre des photos avec leurs téléphones portables !

Le gros poisson a un œil vitreux, et l’autre à moitié sanglant. Malade, blessé ? Il est encore vivant, mais plus très vif. Il remue un peu sa grosse nageoire dorsale, autour de laquelle les pêcheurs ont enroulé une corde.

Des explications que j’ai pu obtenir, il en ressort que les pêcheurs ont trouvé ce mola-mola en surface. Le poisson était déjà mal en point, ils n’ont eu aucun mal à l’attraper et l’attacher à la coque de leur embarcation.

Ils ne veulent pas le garder, juste nous le montrer. D’ailleurs, après avoir papoté avec nos gars, ils défont les cordes et le relâchent.

Le poisson flotte d’abord sur le flanc, au lieu de se redresser. Il semble incapable de nager. Puis il reprend un peu de vigueur, s’enfonce sous la surface, agite sa nageoire dorsale, s’éloigne un peu du bateau. Mais il peine.

Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.
Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

Deux nageurs à la rescousse

Du coup, Jemi et Rocky renfilent palmes et masque et se mettent à l’eau. Ils rejoignent le mola-mola et nagent à côté de lui, de part et d’autre.

Ils sont un peu loin. Difficile, depuis le bateau, de voir s’ils le poussent ou le traînent, pour l’aider à aller plus vers le large. Au bout d’un long moment, ils font demi-tour et reviennent vers nous. Le capitaine relance le moteur du bateau pour les récupérer.

Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.
Mola-mola. Bangka Island, Sulawesi, Indonésie. Juillet 2010.

Une fois à bord, ils secouent la tête. Leurs efforts n’ont rien changé à l’affaire. Le mola-mola avait du mal à nager. Il est peu probable qu’il survive.

L’animal rendu à la mer, les deux “sauveteurs” se pressent autour de mes photos, faites avec mon petit APN de secours que j’avais eu la bonne idée d’emporter (mon 7D était dans le caisson pour les photos subaquatiques, avec l’objectif macro, donc inutilisable pour prendre des photos « normales »). Chacun y va de son commentaire. Je raconte les molas-molas de Nusa Lembongan.

Je ne sais pas si le poisson-lune de Bangka a survécu. J’en doute, vu son état. Il me semblait plutôt agonisant. Mais qui sait ? La nature a parfois des ressources étonnantes.

La danse du mola-mola

Petit ajout ci-dessous, pour consoler les plus tristes : la vidéo du mola-mola, bien vivant celui-là, croisé dans les eaux de Nusa Penida, près de Bali, en 2008 (et moi accomplissant ensuite timidement la fameuse danse du mola-mola, chorégraphie subaquatique très populaire chez World Diving, excellent dive-shop sur Nusa Lembongan)…

😂

  Indonésie : Sulawesi - juillet 2010

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  1. Triste récit… c’est si beau et si rare un poisson lune… surtout par là bas. Il ne reste qu’à espérer que la dure loi de la nature le sauvera…

  2. Beau récit, qui aurait intéressé Hemingway!

    Quel est l’ origine de ce nom étrange mola-mola ? je lui préfère celui de poisson-lune, plus poétique .

  3. @Manta: Beau et rare, assurément… Et quand on est plongeur / plongeuse, on se sent aussi plus concerné(e). J’ai par le passé aperçu aussi quelques carcasses de requins aux ailerons coupés flottant en surface aux Togian, ainsi que des tortues et des petits requins morts pris dans des filets sous l’eau en d’autres lieux… Les hommes font finalement plus de dégâts que la “dure” loi de la nature.
    😳

    @Ysbilia: Je croyais bêtement que “mola-mola” était le nom local, indonésien, du poisson-lune. En fait, c’est son nom scientifique latin (faute de pouvoir demander à Hemingway, je me suis renseignée auprès de Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%B4le_%28poisson%29 ). En langage courant, on l’appelle aussi “môle”, ou “poisson-môle”.
    Et c’est la nomenclature binomale (merci encore Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_binominal ) qui lui vaut le redoublement du nom : mola-mola. « Finalement, la môle a été classée avec la “Mola ramsayi” dans un genre propre — Mola — dont elle est l’espèce type. »
    😀

  4. Complément d’info pour Ysbilia :

    Le terme « môle » dérive probablement du latin mola qui désigne une « meule » ou une grosse pierre. Cette espèce devrait donc son nom à sa couleur grise, sa texture rugueuse et son corps rond. Un autre nom courant de la môle est « poisson lune », terme que l’on retrouve en italien (pesce luna), espagnol (pez luna), en portugais (Peixe-lua), en allemand (Mondfisch). Ce nom est dû à sa forme ronde rappelant celle de la lune.

    😉

  5. Superbe, ta vidéo du poisson-lune… de beaux instants… souvent vu en surface, je n’ai pas encore eu l’occasion de croiser le poisson-lune sous l’eau 🙁

  6. Histoire tres triste 😥
    Heureusement qu’on croise plus de poissons lune vivants que morts… En esperant qu’ils ne deviennent pas un remede miracle pour maladies imaginaires comme d’autres especes rares!

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