Cérémonie funéraire en pays Toraja.

Tana Toraja, c’est plus fort que toi

  Indonésie : Sulawesi - juillet 2007

Me voici en pays Toraja (Tana Toraja) à Sulawesi. Là encore, une population très chrétienne, et très accrochée à ses traditions. J’ai assisté à une cérémonie funéraire au village de Rembon, près de Rantepao. Spectaculaire introduction aux coutumes du pays…

Partout, des maisons et greniers à riz tongkonan, avec ce toit typique, incurvé comme une coque de bateau ou des cornes de buffle.

Le village toraja de Ke’te Kesu, au sud de Rantepao.
Le village toraja de Ke’te Kesu, au sud de Rantepao.

Funérailles Toraja : la vidéo

C’est une sorte de grande fête campagnarde, mêlant croyances animistes et chrétiennes, pour un ultime hommage collectif au défunt. Une cérémonie fastueuse, sidérante, très intéressante, qui dure souvent plusieurs jours. Et pas du tout le pur “piège à touristes” que je craignais un peu.

Outre la famille proche et élargie, quantité d’invités extérieurs sont conviés à la fête. Car c’est une fête. Gaie et colorée, spectaculaire, entre kermesse animée et grosse réunion de famille conviviale.

Une cérémonie funéraire mais festive

Cérémonie funéraire en pays Toraja.Les touristes étrangers comme les autres visiteurs sont les bienvenus. Il suffit d’apporter un petit présent symbolique (en général, une cartouche de Kretek, les cigarettes locales, fait l’affaire).

Je m’y suis rendue avec une famille de Hollandais, Suzanna, Johan et leurs trois enfants, avec qui j’ai sympathisé dans le bus Makassar-Rantepao. Huit heures de trajet, ça laisse le temps de faire la causette…

Pour se rendre à la cérémonie, on a affrété un minibus modèle “famille nombreuse”, avec un guide, pour ce premier jour, bien qu’eux comme moi apprécient l’indépendance, question voyage. Mais on a bien fait.

La région étant touristique, on trouve ici des gens qui parlent anglais, et même français, et les explications du guide nous ont bien éclairés sur l’étrangeté de cet enterrement, très éloigné de nos rites occidentaux.

L’une des petites-filles du défunt, venue pour l’occasion de Makassar, où elle habite, nous a très gentiment accueillis dans un excellent anglais et tout de suite mis à l’aise.

La procession des femmes, toutes en noir.
La procession des femmes, toutes en noir.

Les “invités” extérieurs sont conviés à s’asseoir sur des nattes, sous des espèces d’auvents numérotés. On nous a servi à boire et à manger.

Cérémonie funéraire en pays Toraja.

La jeune femme nous a cordialement invités à prendre toutes les photos souhaitées, à filmer, à circuler partout, parmi la foule ou les gamins courant en tous sens, au milieu des danseurs en costume tradi, chemise de soie chatoyante et sarong noir, entre les buffles aux cornes ornées de papier doré et les cochons vautrés dans la gadoue.

Nous sommes un peu intidimidés au début. Pourtant rien de contraint ni d’empesé durant cette cérémonie funèbre. C’est tout le contraire.

La famille et les invités indonésiens eux-mêmes, armés de camescopes et d’appareils-photos, mitraillent. Les trois enfants de Suzanna et Johann, blonds comme les blés, sont la grande attraction. Tout le monde veut poser avec eux. Même la veuve, qui fait asseoir le petit Jelle, 7 ans, dans son palanquin à côté d’elle…

C’est une célébration joyeuse, animée. Discours, chants, prières, danses se succèdent dans la cour en terre battue, où trône le cercueil en bois rouge vif, dans lequel va être transféré le corps du défunt.

Cérémonie funéraire en pays Toraja.

Défunt qui attend patiemment depuis deux ans, embaumé et momifié dans son cercueil de bambou provisoire, au moyen de plantes médicinales et de linges… “Notre” mort est donc mort depuis longtemps.

Mais pas tout à fait, selon les rites Toraja. Tant qu’on le garde à la maison, en attendant d’avoir réuni l’argent nécessaire pour des funérailles dignes de ce nom, il est considéré comme appartenant encore au monde des vivants, un peu comme le serait pour nous une personne dans le coma.

une autre cérémonie funéraire, moins fastueuse que celle de Rembon. Cortège croisé lors d'une balade à moto, le surlendemain, dans un petit village paumé dans les montagnes et les rizières, au nord de Rantepao...
une autre cérémonie funéraire, moins fastueuse que celle de Rembon. Cortège croisé lors d’une balade à moto, le surlendemain, dans un petit village paumé dans les montagnes et les rizières, au nord de Rantepao…

L’été, juillet-août, est la saison des funérailles. Il y en a partout, quasiment tous les jours, dans les villages Toraja autour de Rantepao, gros bourg sale et sans charme, mais où les gens sont super sympas. Pour la cérémonie de Rembon, où je me trouvais avec les Hollandais, c’était le jour de la procession.

Sacrifices de buffles

Le cercueil est déposé dans une sorte de palanquin de bambou, avec un toit tongkonan. Les hommes le hissent sur leurs épaules et le font sauter et danser, en poussant des cris stridents et des hurlements de joie, précédés par le cortège des femmes en noir, tenant au-dessus de leur tête une longue bande de tissu rouge.

En tête du défilé, des danseurs, avec lances et boucliers, qui bondissent en poussant d’énormes éclats de rire. Les buffles qui seront sacrifiés ferment la marche.

Cérémonie funéraire en pays Toraja.

Tout le monde suit et accompagne le cortège dans une joyeuse bousculade, courant à droite et à gauche pour mieux voir, pour prendre encore une photo, pour rattraper le reste de la famille.

Après, retour à la maison de funérailles, et sacrifice d’un premier buffle, suivi de nouveaux chants et danses. Pas très ragoûtant (je ne vous mets pas la photo), mais le gars savait précisément où trancher. “Propre” et rapide, malgré tout.

Une impressionnante gerbe de sang jaillit, à peine le geste achevé. La bête s’écroule. En une minute ou deux c’est fini. Ultimes soubresauts, puis les danseurs reforment leur cercle autour du buffle sacrifié.

Là, on est parti. Les Hollandais avaient vite éloigné leurs deux filles et leur fils, mais l’aînée, très sensible, a pleuré à chaudes larmes en apercevant le cadavre du buffle à terre…

Nouveau voyage en 2010

Petit ajout. Trois années plus tard, en 2010, je suis retournée à Sulawesi, en pays Toraja, où j’ai à nouveau assisté à une importante cérémonie funéraire, presque en tout point semblable, avec les mêmes rituels. Voir vidéos et photos au bout de ces liens :

→ Pays Toraja : le retour
→ Funérailles Toraja : la vidéo

 

  Indonésie : Sulawesi - juillet 2007

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