Indonésie : Banda + Raja Ampat - oct-nov 2015
Se réveiller au pied d’un volcan et vivre le rêve de Magellan… quoi de plus exaltant ? Bienvenue dans l’archipel de Banda, les mythiques îles aux épices, en Indonésie.
Le rêve de Magellan
Fin octobre 2015. Je suis à bord du Waow. Première étape de cette fabuleuse croisière-plongée : l’archipel de Banda, poignée d’îles volcaniques dans les Moluques, en Indonésie, au sud-est d’Ambon. C’est là :
Ce sont des îles loin de tout, aujourd’hui peu connues des touristes venant découvrir l’Indonésie… Pourtant, c’est pour elles que Magellan a entrepris le premier tour du monde en bateau de l’histoire ! Je suis folle d’enthousiasme à l’idée de découvrir cet archipel du bout du monde.
Entre deux plongées pleines de requins-marteaux en mer de Banda, je n’attends qu’une chose : poser le pied sur ces îles mythiques, les fameuses îles aux épices, tant convoitées aux XVIe et XVIIe siècles ! Magellan, lui, n’a pas eu cette chance. Il a été tué (le 27 avril 1521) aux Philippines, alors qu’il touchait presque au but…


Mise à jour février 2018. Le Waow, ce magnifique bateau de croisière-plongée qui sillonnait les eaux de l’archipel indonésien, et à bord duquel j’ai eu la chance d’embarquer en 2015, n’existe plus… 😢 Il a hélas brûlé et coulé, dans la baie de Cenderawasih, en Indonésie, dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2018. Je vous renvoie sur le message publié sur leur page Facebook et sur leur site.
Noix de muscade
Mes camarades plongeurs et moi débarquons enfin le 30 octobre 2015 à Banda Neira, pour une excursion touristique. Au programme : visite du petit musée, de plantations de muscadiers et du fort Belgica…
Banda Neira, c’est à la fois le nom de l’île, du port et de la capitale administrative de l’archipel qui compte dix îles en tout (seulement six-sept sont habitées). C’est là que vivent près de la moitié des 14 000 habitants de l’archipel de Banda. C’est là que nous découvrons l’histoire coloniale sanglante des îles aux épices (girofle, cannelle, muscade), que se sont disputées Espagnols, Portugais, Anglais et Hollandais, aux XVIe et XVIIe siècles. À l’époque, l’archipel des Moluques était le seul endroit où poussait la précieuse noix de muscade. Si précieuse, qu’elle valait son poids en or…
Banda Neira est aujourd’hui un gros bourg paisible, où l’on peut encore voir d’anciennes bâtisses coloniales hollandaises, édifiées à l’époque de la toute-puissance de la VOC, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.
Il y a plusieurs écoles, des bâtiments administratifs, une mosquée, des petits commerces, un centre de plongée, un minuscule aéroport, quelques guesthouses et hôtels…













Le fort et le volcan
Juste en face du fort Belgica, édifié au XVIIe siècle par les Hollandais sur les vestiges d’un fort portugais, s’élève le cône volcanique de l’île de Banda Api.
Les plus motivés de notre petit groupe grimpent au sommet des tours du fort. Échelle en ferraille pas rassurante et passage très étroit. Mais ça en vaut la peine. La vue est spectaculaire. Steffan, le vidéaste du Waow, profite de l’excursion pour sortir son drone !
Depuis plusieurs jours, au fil de la navigation du Waow, qui nous emmène d’un site de plongée à l’autre autour de l’archipel, nous avons pu admirer le volcan sous différents angles. Appelé gunung api , c’est-à-dire “montagne de feu” en indonésien, il culmine à environ 640m, dominant tout l’archipel.
La dernière éruption du volcan de Banda remonte à 1988. Le guide qui nous fait visiter le minuscule musée de Banda Neira, s’en souvient. “Mais tout le monde été évacué avant la principale éruption, explique-t-il. Il n’y a eu qu’un ou deux morts, des personnes âgées qui ne pouvaient pas ou ne voulait pas quitter leur maison.”
La lave s’est figée depuis. Deux immenses coulées noires balafrent de part et d’autre les flancs du cône volcanique jusqu’à la mer. Le jour de notre arrivée dans l’archipel, on a plongé sur un site nommé… Lava Flow. Au pied de l’une des coulées de lave !






Pulau Run et New York
Tous les enfants des écoles de Banda connaissent cette histoire… Le destin de New York est intimement lié à celui de la minuscule île de Run (prononcez “roune”), l’île la plus occidentale de l’archipel indonésien de Banda.
Colonisée d’abord par les Portugais vers 1512, Pulau Run (pulau signifie “île” en indonésien) est prise par les Anglais vers 1605 avec l’île voisine d’Ai. Ces derniers convoitent la précieuse noix de muscade dont je vous parlais plus haut, pour leur Compagnie anglaise des Indes orientales.

Ça ne plaît évidemment pas du tout aux Hollandais qui, à l’époque, veulent établir dans l’océan Indien le monopole de leur propre compagnie, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), sur le lucratif commerce des épices et de la noix de muscade en particulier.
C’est une histoire longue et sanglante… Je vous la fais courte : les Hollandais, qui sont parvenus à évincer les Portugais de l’archipel de Banda, y imposent leur domination en massacrant les insulaires en 1621. Mais les Anglais résistent et tiennent toujours Run et Ai.
Pour finir, les Anglais battront en retraite, mais non sans négocier. Le sort de Run est scellé par le traité de Breda, signé en 1667. Pulau Run est cédée à la Hollande, et en échange l’Angleterre reçoit un îlot lointain, situé aux Amériques, dans ce qui était alors la Nouvelle Amsterdam : Manhattan !
Eh oui… Difficile d’imaginer, à l’époque, le développement qu’allait connaître Manhattan aux siècles suivants, pour devenir la ville de New York que nous connaissons aujourd’hui.



Pour en savoir plus sur l’histoire mouvementée des îles Banda (ancienne et récente), je vous renvoie sur ce récit passionnant et très complet, rédigé pour le site “Bali Autrement” par l’anthropologue Franck Michel, grand spécialiste de l’Asie :
→ Les îles Banda, un archipel rudement convoité
Un archipel perdu
Quand notre petit groupe s’apprête à quitter Banda Neira pour retourner sur le Waow, qui mouille dans la baie, le gros navire rouillé de la Pelni, la compagnie indonésienne de ferries, vient d’arriver. D’un seul coup, c’est la foule des grands jours dans le bourg, encore endormi et quasi désert une heure plus tôt.
Les marchands ambulants ont déployé leurs étals dans la rue qui mène à l’embarcadère – poissons, épices, fruits et légumes… Quantité de marchandises sont chargées et déchargées de l’énorme ferry, dans une cohue plus organisée qu’elle n’en a l’air. Ça crie, ça se bouscule, il y a un continuel va-et-vient de porteurs, de motos, de gens…










Comme dans toutes les îles un peu isolées, l’arrivée du bateau qui assure des liaisons régulières avec le reste du monde est un événement. Une véritable “ligne de vie” pour les insulaires. Alors que notre annexe s’éloigne, je contemple, rêveuse, toute cette agitation sur le quai, en songeant à Magellan, aux grands navigateurs d’antan et aux innombrables guerres anglo-néerlandaises pour le contrôle des routes maritimes commerciales.
La route des épices a fait autrefois la célébrité des Moluques et des îles Banda. Les Occidentaux les ont un peu oubliées, aujourd’hui. Elles n’attirent plus que de rares voyageurs, curieux de sortir des sentiers battus, et quelques plongeurs privilégiés…
J’étais l’invitée du Waow du 27 octobre au 8 novembre 2015, pour cette croisière-plongée baptisée “Secrets of Seram”. Toutes les opinions émises ici restent 100% les miennes.