Égypte : Mer Rouge - octobre 2016
C’est mon dernier émerveillement de photographe subaquatique : des navires engloutis, en mer Rouge, colonisés par le corail et les poissons. De spectaculaires plongées sur épaves en Égypte !
Plonger sur des épaves
Elle s’appellent Thistlegorm, Giannis D, Carnatic, Numidia. Ce sont quatre épaves imposantes, que j’ai pu photographier en octobre 2016 dans les eaux égyptiennes, en mer Rouge.

Certaines sont assez anciennes : le naufrage du Carnatic remonte à 1869 et celui du Numidia à 1901. La plus récente des quatre, c’est le Giannis D, un vraquier grec qui a sombré en 1983. La plus chargée d’histoire, c’est celle du Thistlegorm, coulé en 1941 par des bombardiers allemands.
Ce ne sont pas mes premières épaves, dans ma vie de plongeuse, mais elles m’ont beaucoup impressionnée, de par leur taille (toutes autour d’une centaine de mètres) et leur bel état de conservation.
Quel niveau ? Ces quatre épaves en mer Rouge sont accessibles en plongée loisir, à partir du niveau 2 (N2) ou de l’Advanced Open Water (AOW), avec une expérience minimum d’une cinquantaine de plongées. L’idéal est aussi d’avoir une certification Nitrox (air enrichi en oxygène) pour pouvoir maximiser le temps passé au fond.
Comment ? J’ai découvert ces épaves en croisière-plongée en octobre 2016, à bord de l’Exocet. J’ai beaucoup apprécié l’organisation, le confort et l’ambiance sur ce bateau. La croisière mêlait plongeurs photographes et apnéistes. Ces quatre épaves sont des « classiques », au programme de la plupart des croisières-plongée organisées en mer Rouge. Certaines peuvent aussi se faire en excursion à la journée, comme le Thistlegorm, depuis Hurghada ou Charm-el-Cheikh.
En savoir plus. Si vous lisez l’anglais, vous trouverez plein d’infos sur les épaves de la mer Rouge et leur histoire sur ce site : The Red Sea Wreck Project.
Les épaves, ce ne sont vraiment pas des plongées comme les autres. Pendant la descente, le cœur bat un peu plus fort, les yeux s’écarquillent, l’excitation va croissant. Et même si ce sont des sites bien connus, beaucoup plongés, déjà explorés, l’ambiance est toujours nimbée de mystère, quand se précise, peu à peu, dans le brouillard bleuté de l’eau, la masse plus sombre d’un immense navire gisant sur le fond…


Il y a de la beauté et de l’émotion dans le spectacle offert par ces immenses structures abandonnées au fond de l’eau, devenues des récifs artificiels que s’approprient les poissons et le corail. Mais même quand le temps a passé, la sensation d’être sur le lieu d’un drame est toujours un peu présente.
« Il y a des épaves qui mettent mal à l’aise », reconnaissent Jenny et Niko, nos guides sur l’Exocet. Ils pensent en particulier à celle du Salem Express (où nous ne sommes pas allés), qui est devenue un site de plongée controversé. Ce navire de passagers a coulé en 1991 sur un récif au large de Safaga, avec à bord des centaines de pèlerins égyptiens de retour de la Mecque. Il y avait officiellement moins de 700 passagers et membres d’équipage à bord, officieusement beaucoup plus. Les rapports font état d’environ 470 morts, mais le bilan est vraisemblablement beaucoup plus lourd. De nombreux corps seraient encore au fond de l’épave, qui est considérée comme un sanctuaire.
Concernant les quatre épaves que je vous présente ci-dessous, le naufrage du Carnatic (1869) a fait une trentaine de morts et celui du Thistlegorm (1941) neuf morts, mais ceux du Numidia (1901) et du Giannis D (1983) n’ont fait aucune victime.
Thistlegorm
Type de navire : cargo de la marine marchande britannique. Longueur : 131 m. Construction : 1940, à Sunderland (Royaume-Uni). Naufrage : 6 octobre 1941, au large du Sinaï près de Ras Mohamed. Le navire, malgré son canon anti-aérien, a été coulé par deux bombardiers allemands. En route pour le canal de Suez et Alexandrie (Égypte), le Thistlegorm transportait du matériel militaire pour les troupes anglaises d’Afrique : des camions Bedford, des chenillettes, des motos, des fusils mitrailleurs, des munitions, deux locomotives… Profondeur : 30 m au niveau du sable, 15 m pour les structures les plus hautes.

Des quatre, c’est sans doute mon épave préférée ! C’est Jacques-Yves Cousteau qui, le premier, a découvert et exploré le Thistlegorm, dans les années 1950. C’est aujourd’hui l’épave la plus fameuse de la mer Rouge. On peut y pénétrer et explorer les cales, qui sont un véritable musée sous-marin de la Seconde Guerre mondiale…
Mise à jour – juillet 2017 : grâce à cette épave, je me suis retrouvée dans le journal Le Parisien, qui m’a demandé de témoigner pour une série d’été ! Une copie de la page est à voir ici → Les trésors des abysses : touché, coulé. La version internet de l’article est là → Plongée : l’épave du SS Thistlegorm, navire coulé en mer Rouge en 1941
Nous y avons fait deux plongées, mais j’en aurai bien fait une ou deux supplémentaires, tant l’épave est vaste, tant il y a à voir, à l’intérieur comme à l’extérieur… Pour la visiter sans vous mouiller, je vous invite à aller voir cette géniale présentation en 3D, que j’ai trouvée au retour, en faisant des recherches sur le Thistlegorm.
Ci-dessous, quelques-unes des photos que j’ai faites lors de ces immersions vraiment spectaculaires…





Giannis D
Type de navire : cargo vraquier grec. Longueur : 99 m. Construction : 1969, à Imabari au Japon. Lancé sous le nom de Shoyo Maru, il a pris celui de Markus en 1975, puis de Giannis D en 1980 lors de sa revente à l’armement grec Dumarc Shipping & Trading du Pirée. Naufrage : 19 avril 1983. Il s’est encastré droit sur le platier du récif d’Abu Nuhas alors que le capitaine dormait… Le navire avait quitté Rijeka en Yougoslavie (dans l’actuelle Croatie) et après avoir franchi le canal de Suez faisait route pour Jeddah en Arabie Saoudite, avec un chargement de bois. Profondeur : 25 à 27 m au niveau du fond, 5 m au sommet du portique.
Il y a quatre épaves sur le récif d’Abu Nuhas (dont celle du Carnatic, que je vous présente plus bas). L’épave du Giannis D, brisée en deux (la poupe a glissé le long du récif des années après la proue) est particulièrement « photogénique » de l’extérieur et lors de mon passage, la visibilité y était excellente. J’aurais aimé, là encore, pouvoir y passer plus de temps et y faire quelques plongées supplémentaires…
L’extérieur m’a enthousiasmée, mais l’intérieur me laisse une impression plus désagréable. Rien de difficile dans la pénétration, mais tout est incliné à 45 degrés, si bien que j’en ai presque eu des vertiges à la limite de la nausée, par moments, avec l’envie d’en sortir au plus vite… Ces couloirs penchés sont vraiment troublants pour le cerveau ! C’est une sensation assez déplaisante, que ressentent beaucoup de plongeurs dans cette épave. Mais les lieux sont vraiment extraordinaires, avec quantité de détails à observer, et je me suis concentrée sur les jeux de lumière.






Carnatic
Type de navire : navire britannique de transport mixte (marchandises et passagers), à la fois à vapeur et à voile. Longueur : 90 m. Construction : 1862, à Cubitt Town, près de Londres. Il a été armé en 1863 par la compagnie Peninsular & Oriental Steam Navigation. Naufrage : 13 septembre 1869. Parti de Suez (le canal de Suez ne sera inauguré que le mois suivant), il faisait route vers Bombay, aux Indes, avec une cargaison et à son bord 230 passagers et membres d’équipage. Lui aussi s’est encastré sur le récif… (Il est juste à côté du Giannis D et il y a deux autres épaves à proximité à Abu Nuhas, c’est dire si l’endroit est dangereux pour la navigation.) Profondeur : 27 m au fond, 17 m sur la partie la plus haute.

L’épave du Carnatic, de prime abord, n’en met pas plein la vue comme les autres. Je l’ai pourtant trouvée particulièrement belle et émouvante. Elle repose tout de même là depuis près d’un siècle et demi…
L’intérieur, avec la lumière bleue qui filtre à travers le squelette métallique de la coque couverte de concrétions et les milliers de poissons de verre toujours mouvants est magnifique !




Numidia
Type de navire : cargo britannique. Longueur : 137 m. Construction : 1901, à Glasgow, en Écosse, pour la compagnie maritime Anchor Line. Naufrage : dans la nuit du 19 au 20 juillet 1901, sur le récif de l’île de Big Brother, pourtant signalée par un phare, lors de son voyage inaugural entre Liverpool et Calcutta, aux Indes. Il transportait du matériel ferroviaire. Profondeur : 15 m pour les débris de la partie avant les plus proches de la surface et jusqu’à 80 m pour la poupe, inaccessible en plongée loisir.

La partie intéressante ne démarre vraiment qu’à partir de 30-40 mètres, du coup, on en profite moins longtemps que les autres épaves (pour les non-plongeurs : plus on descend profond, plus on consomme d’air et donc plus on vide vite sa bouteille). Le Numidia a une allure massive, fantomatique, assez impressionnante. Dire qu’elle est là depuis plus d’un siècle…
Je n’ai pas pris le temps de me faufiler à l’intérieur avec Jenny, notre guide, et ma binôme Françoise, fascinée que j’étais par la profusion des coraux à l’extérieur ! Féérique.
Mais je reste un peu sur ma faim, de ne pas avoir pu m’y attarder davantage. Nous avons choisi de remonter le long du récif de Big Brother, pour faire durer un peu la plongée, dans l’espoir de croiser, au retour, quelques requins longimanes. Les plongeurs tek, équipés pour pousser plus profond l’exploration vers la poupe, raffolent du Numidia.




Ces épaves célèbres de la mer Rouge étaient toutes inédites pour moi, qui ai plus l’habitude de traîner mes palmes dans les eaux de la zone Indo-Pacifique. Et il y en a quantité d’autres, près desquelles nous sommes passés, et où nous n’avons pas plongé…
La visibilité souvent excellente de la mer Rouge ajoute au plaisir de la découverte et de la photographie sous-marine : on peut vraiment embrasser du regard les épaves, tenter d’en restituer l’ambiance. Je garde de ces quatre épaves un souvenir émerveillé !
D’autres épaves, en Indonésie et en Bretagne… L’épave du Liberty à Bali (Indonésie) reste une de mes épaves favorites, sur laquelle j’ai toujours grand plaisir à replonger, année après année. Récemment, en 2015, j’ai aussi plongé sur l’épave d’un petit avion abattu pendant la guerre du Pacifique, à Raja Ampat (Indonésie) et, il y a bien longtemps, en 2003, j’ai même plongé sur l’Amoco Cadiz, en Bretagne. Et j’ai aussi eu l’occasion d’explorer bien d’autres épaves, petites et grandes, plus ou moins spectaculaires, au fil de mes voyages, en Thaïlande, en Malaisie, aux Maldives…