Ça y est, nous somme enfin autorisés à embarquer ! (Batangas, Philippines, mars 2017)
Ça y est, nous somme enfin autorisés à embarquer ! (Batangas, Philippines, mars 2017)

Comment bien dormir sur un ferry de nuit philippin

  Philippines : Anilao + Romblon - mars 2017

Aux Philippines, impossible d’échapper aux ferries, quand on veut bouger d’une île à une autre. Pour les trajets longs, c’est souvent un ferry de nuit…

Le port de Batangas

10 mars 2017. 20h. Mon chauffeur philippin me dépose au port de Batangas au sud de Manille, sur l’île de Luzon. On vient de traverser une zone de quais un peu déserte, pas très engageante, hérissée de grilles et de grillages, entre hangars et containers.

Il s’arrête devant un bâtiment défendu par une nouvelle grille, derrière laquelle j’aperçois des gens qui font la queue avec des sacs et des valises. Plusieurs ferries imposants sont amarrés aux quais environnants.

Vue sur les autres ferries à quai depuis le pont de mon ferry. (Batangas, Philippines, mars 2017)
Vue sur les autres ferries à quai depuis le pont de mon ferry. (Batangas, Philippines, mars 2017)

“Vous avez déjà votre billet ?”, me demande mon chauffeur en sortant mon gros sac du coffre. Tout à fait. “Alors faites simplement la queue, là, avec les gens, c’est pour acheter le ticket de quai. Après vous pourrez passer directement à l’enregistrement.” 

Je m’apprête à embarquer sur un ferry de nuit, le Saint-Anthony de Padua de la compagnie 2Go Travel, l’une des plus grosses sociétés de transport maritime des Philippines. Je quitte Anilao (où j’ai passé une semaine à plonger et photographier des nudibranches) pour l’île de Romblon.

Voir mon précédent post → Plonger dans un autre monde aux Philippines

J’ai réservé moi-même mon billet, via leur site internet, depuis la France, avant de partir. J’ai reçu mon e-ticket par e-mail. Aussi facile et pratique qu’une résa d’avion ! Mon trajet : Batangas-Romblon. Départ à 22h, arrivée à 6h le lendemain matin.

Voici le trajet du ferry, de Batangas à Romblon. La traversée dure 8 heures. (Carte : Rome2Rio.com)
Voici le trajet du ferry, de Batangas à Romblon. La traversée dure 8 heures. (Carte : Rome2Rio.com)
Malgré la foule, l'attente n'est pas longue et l'enregistrement est vite expédié. (Batangas, Philippines, mars 2017)
Malgré la foule, l’attente n’est pas longue et l’enregistrement est vite expédié. (Batangas, Philippines, mars 2017)

Ce n’est pas la première fois que j’emprunte un ferry aux Philippines. Dès qu’on veut se déplacer dans l’archipel, c’est quasiment inévitable ! Lors de mon précédent séjour en 2008, j’avais embarqué plusieurs fois dans de grosses bancas (le bateau traditionnel à balanciers) pour de courtes liaisons, comme la traversée de Leyte à Bohol, et j’avais également pris le gros ferry de nuit Cebu-Bato pour rejoindre Sogod Bay, la baie des requins baleines…

Pour la queue, le ticket de quai et l’enregistrement, c’est tout comme le chauffeur a dit. Sans surprise et sans souci. Les Philippins sont extrêmement disciplinés quand il s’agit de faire des files devant un guichet et le check-in est bien organisé. Malgré l’affluence, ça avance vite et je peux donc rapidement passer sur le quai pour embarquer.

Le chien renifleur de drogue

C’est là que la touriste plongeuse que je suis se voit rappeler une autre réalité des Philippines… Des hommes en noir sont devant la passerelle, avec un chien, spécialement entraîné pour renifler les bagages et détecter la présence de drogue.

Évidemment, quand on est là pour des vacances et qu’on passe son temps sous l’eau, on n’y pense guère. Le narcotrafic aux Philippines fait pourtant la Une des médias du monde entier depuis l’été 2016, avec la sanglante politique antidrogue du président Rodrigo Duterte

La présence de ce chien renifleur de drogue sur le quai de Batangas me rappelle une scène identique, lors de mon voyage au Mexique en 2014, sur le quai de Playa del Carmen, quand j’avais embarqué à bord du ferry pour l’île de Cozumel. Je ne crois pas l’avoir mentionné dans mes posts de l’époque, mais j’ai retrouvé ces deux photos que j’avais prises en douce (je me souviens qu’un des militaires mexicains m’avait fait signe de ranger l’appareil) :

À Batangas, des gars portant des gilets de sécurité réfléchissants nous font déposer nos sacs, en ligne, puis reculer de quelques pas, avec injonction de garder nos distances et de rester alignés nous aussi, supervisés par un autre, qui arbore la mention “Vessel Escort” dans le dos. Une fois dans la file, je filme discrètement avec mon iPhone durant 30 petites secondes… Il y a de la musique sur le quai. Pour détendre les gens ?

La dame à côté de moi, une Philippine, pousse par moments de petites exclamations inquiètes. Je me rappelle que j’ai un paquet de biscuits dans mon petit sac cabine, déposé parmi les autres. J’ai un peu peur que le chien ne s’arrête pile devant, par l’odeur des Oreo alléché… Puis je me dis que je ne dois pas être la seule à trimballer de la bouffe en prévision de la traversée. Qu’il a en principe été dressé pour ne pas se laisser distraire par des biscuits, ce chien…

Ce qui m’étonne le plus, c’est que juste avant, on m’a laissé confier les 28kg de mon gros sac à roulettes à un des porteurs officiels du port, sans aucun contrôle. Le porteur a ainsi pu filer directement à l’intérieur du ferry, afin de déposer mon sac devant ma cabine, sans passer par l’étape du chien renifleur, lui…

Bienvenue à bord

Au bout de quelques minutes, qui paraissent interminables, les types en noir nous font signe d’y aller. Et le chien n’a pas marqué l’arrêt devant les Oreo au fond de mon petit sac. Cette fois, c’est bon ! Je peux enfin découvrir l’immense ferry qui sera ma maison pour la nuit.

Ça y est, nous somme enfin autorisés à embarquer ! (Batangas, Philippines, mars 2017)
Ça y est, nous sommes enfin autorisés à embarquer ! (Batangas, Philippines, mars 2017)

À bord, l’accueil est beaucoup plus sympathique. Des hôtesses et stewards en polos roses et bleus, courtois et souriants, renseignent les passagers. Une jeune femme me conduit à ma couchette pour la nuit. Il y a plusieurs catégories : le dortoir sans air conditionné sur le pont supérieur, le dortoir avec air conditionné en dessous, les cabines de quatre couchettes avec salle de bain et les cabines privées.

Je suis dans une stateroom de quatre. Et j’ai un peu peur en entrant : il fait super froid avec la clim en mode frigo, la télé est à fond et parmi mes compagnons de chambrée, outre deux messieurs potentiels ronfleurs, il y a une dame d’âge mûr avec un tout petit enfant, apparemment pas calme du tout… 😱 J’échange des sourires polis avec les uns et les autres, prends possession de ma couchette située en bas et ressors explorer rapidement le navire avant le départ.

Je découvre un restaurant à proximité de ma cabine et, en haut d’un escalier, le pont du dortoir à pas cher, avec, tout au bout, la musique tonitruante, insupportable, de l’inévitable bar karaoké. Deux filles sur la minuscule scène se préparent à faire l’animation. Autour des tables, on écluse des bières. La croisière s’amuse, version philippine… 😁

Le dortoir climatisé. Il y a un petit guichet dans chaque dortoir, où des employés sont présents toute la nuit. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)
Le dortoir climatisé. Il y a un petit guichet dans chaque dortoir, où des employés sont présents toute la nuit. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)
Le dortoir plus cheap, sans la clim. Les gens sont déjà installés pour la nuit. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)
Le dortoir plus cheap, sans la clim, à portée d’oreille du karaoké. Les gens sont déjà installés pour la nuit. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)
Le bar karaoké. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)
Le bar karaoké. (Ferry Batangas-Romblon, Philippines, mars 2017)

Je retourne dans ma cabine. Le petit garçon pleurnicheur semble voyager avec son père et sa grand-mère. Tour à tour, ils l’emmènent à l’extérieur quand il s’énerve un peu trop. Le quatrième occupant est un jeune homme qui me fait un sourire contrit et disparaît en silence derrière le rideau de sa couchette.

Le bateau a quitté le quai. Le roulis est imperceptible. Au bout d’un moment, voyant que tout le monde semble être en train d’essayer de dormir, j’éteins d’autorité la télé toujours à fond et la lumière du plafonnier… Le petit garçon a fini par rester blotti avec la dame que je suppose être sa grand-mère dans la couchette en face de la mienne. Tout le monde a tiré ses rideaux. Je sors la parade ultime, les bouchons d’oreille, j’enfile ma polaire, m’enroule dans mon sarong indonésien multifonctions, tire la couverture par-dessus et, bien calée dans l’oreiller, je m’endors aussitôt…

Le bon samaritain

Moi qui craignais de ne pas fermer l’œil, j’ai dormi comme un bébé. “Madame ! Madame !” Une voix inconnue, lointaine. Le rideau s’agite, il y a de la lumière, un visage penché vers moi…

Hein ? Quoi ? J’arrache mes bouchons d’oreille, refais surface. “Madame ! Madame ! Romblon !” me crie un gars en chemise blanche, un employé du ferry ou du port. Il m’explique qu’il faut vite descendre. Le bateau va rembarquer des passagers, repartir pour l’île suivante. La dame et le petit garçon sont toujours là, eux, et me contemplent avec des yeux ronds. Il est 6h40. Ça fait près de trois quarts d’heure que nous sommes arrivés à Romblon.

Ouch. L’homme empoigne mon gros sac. C’est lui qui se charge de se coltiner les 28kg dans les escaliers du navire quasi-désert. Je le suis, les yeux encore collés, les cheveux en pagaille. Qu’est-ce qu’on dort bien sur les ferries philippins !

Sur le quai, je n’en reviens pas. Le chauffeur de tricycle (prononcez “traille-si-keule”) qui devait me récupérer à 6h, envoyé par le centre de plongée The Three P, est toujours là pour m’accueillir. Il est soulagé. Il se demandait si j’étais dans le ferry. Il se présente : Arnold.

Arnold prend la pose devant son tricycle aux couleurs des taxis new-yorkais. (Romblon, Philippines, mars 2017)
Arnold prend la pose devant son tricycle aux couleurs des taxis new-yorkais. (Romblon, Philippines, mars 2017)

Je m’excuse, j’explique. Je dormais… Il éclate de rire. “Comme je ne vous voyais pas arriver, je suis allé demander au bureau du port, me dit-il. Je leur ai donné votre nom. Pour qu’ils vérifient si vous étiez bien à bord. Ils avaient le numéro de couchette correspondant, mais moi je n’ai pas le droit de monter, alors ils ont envoyé quelqu’un…”

Je remercie Arnold à n’en plus finir. Sans lui, j’aurais raté Romblon. Je me serais réveillée ailleurs, en mer ou sur une autre île ! 😱 Le bon samaritain fixe mon gros sac à l’arrière de son magnifique tricycle tout jaune à la déco inspirée des taxis new-yorkais. Je lui tirerai le portrait une semaine plus tard, car j’aurai à nouveau recours à ses services pour visiter l’île (j’en parlerai dans un prochain post).

Encore mal réveillée, me voici en route pour le centre de plongée dans le tricycle d'Arnold ! (Romblon, Philippines, mars 2017)
Encore mal réveillée, me voici en route pour le centre de plongée dans le tricycle d’Arnold ! (Romblon, Philippines, mars 2017)

Je suis tellement contente de son accueil en ce premier jour, comme de la balade qu’il me fera faire le dernier jour, que j’ai promis de lui faire de la pub. Alors voilà : son nom complet c’est Arnold Mendez, il vit et travaille à Romblon, c’est un super chauffeur de tricycle, fiable et prudent, il parle anglais, il est très sympa, ponctuel, disponible à toute heure et joignable au 0928 416 2999 (numéro de portable local).

Durant les dix minutes de trajet, je continue de rire de ma mésaventure matinale. Arnold aussi. À 7h tapantes, je suis arrivée. J’ai le temps de petit-déjeuner, de laisser mon appareil-photo et mon objectif glacés par la clim et couverts de buée se remettre à température ambiante, puis de les enfermer dans le caisson étanche, avant de sauter dans le premier bateau de plongée de la journée à 9h ! Avec une arrivée aussi réussie, je sais déjà que je vais adorer Romblon… 😎

Youpi, on part plonger ! (Romblon, Philippines, mars 2017)
Youpi, on part plonger ! (Romblon, Philippines, mars 2017)

  Philippines : Anilao + Romblon - mars 2017

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